Chronique par Orinne Marimbu
Collaboration spéciale
Depuis mon adolescence, j’ai vite été éblouie par l’univers de la musique hardcore punk. C’est devenu quasiment ma personnalité, c’est embarrassant, je sais! Par contre, j’ai toujours eu une question qui demeurait dans ma tête, en tant que personne noire : n’est-ce pas un peu étrange d’avoir des origines africaines et d’aimer des personnalités telles que Ian Mackaye et Guy Picciotto, qui sont caucasiens, au lieu d’un Fally Ipupa et Tyla, par exemple? (Même si je les kiffe aussi). Aux États-Unis, ce n’est pas rare d’associer la musique, disons alternative, avec la culture blanche américaine. Plusieurs artistes emblématiques de la seconde moitié du XXe siècle ayant des tendances rock sont des personnes blanches, pour la plupart mâles de naissance. La décennie des années 80 a produit plusieurs célébrités de ce type : Guns ‘n Roses, Motley Crue, Bon Jovi, Bruce Springsteen, Phil Collins, et tellement d’autres encore.
Les années 80 amènent aussi une résurgence du conservatisme, avec Ronald Reagan comme président américain à partir de 1981. Son administration amènera une nouvelle forme de consommation de masse, des troisièmes places sociales visées par la surconsommation, une panoplie de nouvelles technologies et un peu une source d’optimisme pour le peuple américain. Ce standard s’impose aussi au monde de la musique. Ladite conformité musicale consiste surtout à être macho, capitaliste et abonné au stéréotype du sexe, drogues et rock’n’roll, qui reste un point commun pour les Rockstars de l’époque.
Mais ce n’est pas le paradis pour les gens, disons, défavorisés. Une augmentation du taux de chômage arrive peu après la récession de 1982, des épidémies, comme le sida et le crack, ravagent la sécurité sociale et posent plusieurs défis sociétaux pour les marginalisés (Central Park Five, 1989). Cela a entraîné des répercussions dans notre vie actuelle, comme la stigmatisation des toxicomanes et le racisme et l’islamophobie en recrudescence depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Malgré le climat de pessimisme de l’époque, il y a quand même eu des personnes revendiquant le statu quo. Activistes, musiciens, artistes, auteurs, peu importe. Les 80s ont montré que les créateurs ont leur mot à dire, aussi. Dans cet article, je parlerai d’un groupe de musique très important pour le monde alternatif : Fire Party.
Fire Party est un groupe de musique emo dont la totalité des membres sont des jeunes femmes adultes ou adolescentes. Elles sont originaires de Washington DC, capitale des États-Unis. Cette région est considérée dans les cercles punk comme le centre le plus important pour l’avancement de la musique hardcore. À l’opposé, le punk préhardcore du Royaume-Uni garde le même refrain d’hédonisme mêlé de commentaire politique qui priorise plus la volonté d’être différent que la praxis gauchiste. Oui, beaucoup d’anciens punks parlent de la corruption gouvernementale et de l’anarchie, mais ils me perdent quand on découvre qu’ils sont les plus grands bigots. Practice what you preach…
Le hardcore de Washington DC, lui, amène une nouvelle manière de penser. Il n’est pas basé sur la conformité vestimentaire croissante ou le pseudo-activisme, mais plutôt sur un effort communautaire pour reprendre le contrôle de leur vie des mains des pouvoirs dominants et d’implanter des espaces sécuritaires pour tous. C’est beau et bien beau, mais il y avait quand même des traces de sexisme et d’autres formes de discrimination. Voilà que surgit Fire Party.
Comme elles sont des adolescentes marginalisées, je les vois comme des héroïnes non seulement parce qu’elles ont un catalogue épatant, mais aussi parce qu’elles défient les normes féminines de l’époque. Avant Riot Grrrrl, l’égalité des genres dans la scène musicale était dégringolée. Être fille et dénoncer activement la misogynie pendant l’ère de conservatisme était un exploit remarquable. Aussi, étant grande admiratrice de emo, je pense pouvoir affirmer qu’elles sont parmi les premières à avoir mérité ce titre d’héroïnes, étant femmes, et membres d’un groupe multiracial.
Parfois, je me demande : le féminisme était un f bomb, mais pourquoi? Pourquoi est-ce si mal d’avouer que l’enjeu féminin doit être pris au sérieux dans les années 80? Cette question est une des principales raisons pour lesquelles les mouvements féministes dans un de mes genres de musique préférés reste un apprentissage curieux. La liberté d’expression est un droit et un privilège pour certaines. Je pense aux histoires que mes prédécesseurs diraient sur le traitement des femmes dans l’hémisphère sud. C’est pour ça que j’essaye de créer des petits projets, pour inciter ma communauté à la libération de toutes et tous des griffes du patriarcat. Ce groupe emo et plusieurs autres (Je pense à Sista Grrrls et ZULU) élargit ma vision sur les enjeux sociétaux des gens qui me ressemblent, et qui te ressemblent, aussi, bien sûr.
C’est mon premier article, mais pas le dernier.