Par Zachary-Étienne Laplante
L’anti-gaspillage, un apprentissage ?
Quand on entend le mot « recyclage », il est facile d’imaginer le gros bac bleu que l’on retrouve à la maison, mais il y a bien plus de profondeur à ce mot. Le Centre anti-gaspillage 3R fait la récupération des invendus et des surplus alimentaires venant des supermarchés et des boulangeries de notre région. À la suite d’une inspection et d’un triage minutieux, ces aliments sont redistribués à la communauté. Mais qu’en est-il des trois R dans le nom qui signifie recyclage, réduction et réemploi ? C’est ce que La Griffe est allée découvrir sur place.
Au « centre » de la communauté
Dès mon arrivée au Centre, j’ai été accueilli par Fred Groleau, un superviseur de cet organisme. Il est au poste depuis maintenant 6 ans. Il m’a expliqué le fonctionnement du Centre ainsi que sa mission. C’était une immense joie de pouvoir faire cette petite visite guidée et commentée avec lui. Monsieur Groleau m’a également donné beaucoup d’informations sur le Centre et sur la signification des 3 « R ». C’est en 2015 que cet organisme fut fondé par les visionnaires Simon Boudreau, Benoit Morin et Christian Bolduc.
3R est le propriétaire de trois établissements sur la rue Notre-Dame à Gatineau, tous concentrés sur le recyclage et l’anti-gaspillage. Il y a la friperie de vêtements qui lave et restaure toute pièce de vêtement qu’elle reçoit pour les revendre à bas prix. Un bistrot est le 2e établissement qui s’est ajouté cette année. Cependant, nous allons nous concentrer sur le 3e centre : celui de la récupération alimentaire. En premier lieu, il y a le comptoir d’accueil, là où nous confirmons notre rendez-vous. Ensuite, on se dirige vers les étalages pour y faire nos emplettes. Il y a plusieurs options pour obtenir l’épicerie qui vous plaît le plus. Pour 15 $, il est possible d’acheter une petite caisse qui contient légumes, pains et lait. Pour 40 $, vous pouvez faire une épicerie complète, et ressortir avec l’équivalent de 200 $ de nourriture. La journée de ma visite, le pain était à volonté.
Ensuite, il y a une partie du centre à l’arrière qui est seulement pour les employés. La première salle est un entrepôt de denrées non périssables qui sont utilisées pour les paniers déjà préparés. Ensuite, un couloir mène aux bureaux des superviseurs et complètement à l’arrière se trouvent plusieurs stations où des employés font le tri des produits et aliments reçus ce jour-là. Il y a aussi différents réfrigérateurs et congélateurs dans lesquels sont placés tous les aliments triés en groupes alimentaires. Finalement, un débarcadère se trouve à l’autre extrémité de la salle, là où l’on reçoit les pertes des magasins et des boulangeries des environs.
Les trois « mousquet’R »
Pour bien comprendre la mission du Centre 3R, il est crucial de comprendre les trois R dans leur appellation. Le premier, c’est le symbole de recycler, et dans ce centre, c’est entièrement ce qui se passe. Le Centre utilise les pertes des magasins pour soutenir sa mission. Pour se procurer les pertes des magasins, les membres de l’équipe font affaire avec 25 épiceries, boulangeries et autres commerces alimentaires. Ils utilisent un grand camion pour amasser de 8 000 à 10 000 livres d’aliments par jour. Ces aliments sont ensuite triés dès leur arrivée au centre. Ils séparent les aliments comestibles et incomestibles. Le centre recycle absolument tout ce qu’il peut et la quantité de poubelles est minime. Cela ne génère qu’une benne à déchets vidée aux deux à trois mois. Ils font le recyclage du carton et du plastique à l’aide de déchiqueteurs. De plus, les aliments qui sont incomestibles pour l’humain sont transformés en compost et acheminés à plusieurs fermes locales pour nourrir leurs animaux. Le but du centre est l’anti-gaspillage, donc tout ce qui peut être réutilisé le sera. Monsieur Groleau m’a donné l’exemple d’un fermier qui bénéficie de l’aide du centre 3R. Il dit : « J’ai un fermier, par exemple, au Lac Cayamant qui a 200 sangliers. On lui fournit 10 000 livres de compost par semaine pour ses sangliers. » Le centre anti-gaspillage porte bien son nom, car presque rien ne finit au rebut.
Pour continuer la trilogie, le deuxième R représente la réduction. Le centre redistribue les produits pour réduire le gaspillage. Par exemple, ils offrent les pertes de magasins pour combler les besoins alimentaires de tous ceux qui sont dans le besoin. Le centre anti-gaspillage alimentaire nourrit généralement entre 65 et 110 familles par jour. Ils ont accepté aussi les familles d’enseignants en grève, qui étaient non rémunérés. Le centre pouvait accepter jusqu’à 10 familles d’enseignants par jour, et ils recevaient des épiceries d’une valeur de 200 $. Normalement, ces épiceries coûtent un petit montant de 40 $, mais le centre tenait à soutenir ces enseignants et à leur offrir ces sacs de nourriture gratuitement pour mitiger les effets de la grève. Le Centre 3R n’utilise pas énormément de moyens de marketing et se fie surtout sur la communication de bouche à oreille pour se faire connaitre. Sa mission est de réduire les impacts de l’augmentation du coût de la vie sur ses clients, et c’est exactement ce qu’il fait.
Finalement, Le troisième R veut dire réemploi. Ici, on ne retrouve qu’une poignée de superviseurs, d’employés et de bénévoles. La notion de réemploi est importante pour tous ceux qui désirent une seconde chance et ici, les portes s’ouvrent pour ces gens ainsi que pour ceux que le système n’a pas pu aider. Dès le matin, balai et linges à la main, tous s’affairent à bien préparer l’endroit pour la réception et la mise en place du « supermarché » éphémère. Avant l’heure de l’accueil des clients, le lieu sera bien propre, et cela grâce à eux.
Témoignages d’enseignantes
J’ai fait appel à des enseignantes en grève qui ont utilisé les services qu’offre le Centre 3R. Voici des commentaires de ces clientes :
« C’est vraiment un organisme génial avec une mission géniale ! Il ne suffit que d’appeler le centre 3R pour prendre un rendez-vous. On se présente avec nos sacs, et hop ! On peut se choisir différents formats d’épicerie moyennant une faible cotisation. Le Centre vient en aide aux enseignants et enseignantes qui malheureusement ne sont pas payés depuis le début de la grève. On peut même y retourner toutes les semaines. Quelle générosité en ces temps incertains ! »
« J’apprécie énormément cette initiative d’entraide et de soutien. Je suis allée y faire une épicerie et étant une maman monoparentale avec 4 enfants, je dois avouer que cette aide m’a grandement soulagée. J’y ai acheté plusieurs légumes avec lesquels j’ai pu concocter une grosse soupe ainsi qu’une sauce à spaghetti. J’ai aussi choisi des aliments totalisant une épicerie de 200 $ et tout ça gratuitement ! »
La mission du Centre anti-gaspillage 3R est une magnifique façon d’aider la société, même si c’est à petite échelle. Les acteurs principaux de cet organisme aimeraient partager leur vision et voir l’influence des 3 R se répandre sur tout le territoire du Québec dans le but de nourrir la population d’aujourd’hui et de demain.
