Photo prise par Shahla Montiglio / Distribution des repas prêts à manger avec l’autobus d'Itinérance Zéro sur la rue Notre-Dame.

Itinérance zéro: un organisme au cœur de la ville

Par Shahla Montiglio

Les statistiques en Outaouais

Depuis 2022, le nombre de personnes en situation d’ est cinq fois supérieur à ce qu’il était quatre ans plus tôt en Outaouais. On compte au moins 10 000 sans-abris au Québec et 706 personnes de ce total se trouvent en Outaouais. Le nombre de personnes en situation d’itinérance est passé de 146 à 706 entre 2018 et 2022, ce qui veut dire 44% d’augmentation. La région de l’Outaouais a connu l’augmentation la plus importante de l’itinérance au Québec depuis 2018, soit 28%. L’Outaouais est dans une « crise de l’itinérance », France Bélisle, la mairesse de Gatineau, affirmait en décembre 2023 qu’il y a trois fois plus de tentes dans le campement de la ville qu’en octobre 2022. Il n’y a que 55 lits d’urgence à Gatineau et une halte chaleur qui manque de places en hébergement. Les personnes en situation d’itinérance ont besoin d’aide et c’est urgent.

 

 Photo prise par Shahla Montiglio / Dons de bottes et de vêtements dans l’entreposage d’Itinérance Zéro à l’ancienne caserne de Gatineau sur le boulevard Saint-René

Que fait l’organisme?

Itinérance Zéro est un organisme à but non lucratif qui vient en aide aux personnes en situation d’itinérance en Outaouais. Il a été fondé en 2013 par Benoit Leblanc. L’organisme est composé de bénévoles qui ont à cœur d’aider. Leur équipe est basée sur la diversité de l’humain afin de promouvoir l’appartenance, l’ouverture aux différences et l’égalité. Le fondement de leur engagement est de reconnaître les besoins de personnes vivant des situations précaires et de venir en aide. L’organisme distribue des repas avec son autobus au cours de la semaine à travers l’Outaouais. En 2022, il a distribué 65 000 repas aux personnes dans le besoin. Les journées et soirées sont consacrées à la préparation de la nourriture. Les personnes travaillant dans la cuisine préparent 140 repas par jour.

L’organisme ne donne pas seulement des soupers prêts à manger, mais également des vêtements, des produits d’hygiène et de la nourriture comme des céréales, des boites de conserves, etc. En ce temps froid de l’année, les bénévoles en charge de la distribution avec l’autobus apportent des manteaux, des bottes et des couvertures pour les personnes qui n’ont pas les moyens de se garder au chaud pendant l’hiver. Itinérance Zéro est un des seuls organismes en Outaouais qui utilise un moyen de transport pour venir en aide. L’organisme conduit dans Gatineau; les dimanches soirs, il se trouve sur la rue Notre-Dame. Il va aussi jusqu’au Vieux-Hull.

La distribution n’est pas la seule mesure mise en place pour soulager l’itinérance : l’organisme fait aussi du travail de rue. Les personnes en situation d’itinérance ont la possibilité de se faire écouter et de recevoir des conseils. Il est possible de faire des dons pour soutenir la cause à partir de leur site web: Itinérance Zéro – Dons (itinerancezero.ca). L’horaire de distribution des repas se trouve aussi sur le site web.

Il ne faut pas tolérer l’itinérance 

Pourquoi est-ce important de parler de l’itinérance ? La plupart du temps, l’itinérance n’est pas un choix pour la personne dans cette situation, elle est marquée par une pauvreté extrême, un lieu de vie inadéquat et une faiblesse de réseaux. Elle entraîne une dépendance aux organismes institutionnels et peut causer des problèmes de consommation de drogues ou d’alcool, de jeu compulsif et de criminalité. Ces personnes sont souvent mises à l’écart et méprisées et malheureusement, ces personnes ne sont pas considérées comme des citoyens à part entière dans la société.

Personne ne devrait devoir dormir dans la rue et passer des jours sans manger, mais en tant que société, on le tolère. La tolérance envers cette démographie de personnes est devenue une norme sociale. On a tendance à penser que les personnes en situation d’itinérance sont responsables de vivre dans la rue. Or, la rue représente la conclusion d’un parcours de vie rempli de d’épreuves difficiles et d’échecs douloureux. Personne ne choisit de devenir itinérant. Les hommes adultes représentent le plus important groupe parmi les personnes en situation d’itinérance. Les hommes se retrouvent dans les abris et les refuges en raison de la vie dans la rue, des maladies mentales, de la dépendance aux drogues, et des infections sexuellement transmissibles par le sang, par exemple.

Le nombre de femmes itinérantes augmente aussi, même si on les voit moins que les hommes dans la rue. Comparées aux hommes, les femmes en situation d’itinérance ont plus vécu un passé de violence. La majorité sont des victimes d’agression sexuelle, de violence psychologique, physique, conjugale ou familiale. Elles sont moins présentes dans la rue puisqu’elles trouvent des façons de ne pas l’être. Par conséquent, des femmes se tournent vers la prostitution ou le vol, mais ces décisions les enfoncent dans l’itinérance. Cependant, ce ne sont pas toutes les femmes qui prennent ce chemin, certaines passent d’un refuge à l’autre ou de la maison d’un ami à l’autre. Il n’y a pas que les hommes et les femmes adultes dans la rue : des jeunes, des familles, des personnes âgées immigrantes et des membres des Premières Nations y sont aussi. 

La crise en Outaouais

« Je vous dit qu’ici, actuellement, en Outaouais, il y a une crise de l’itinérance », affirme Yves St-Onge, le président-directeur général du CISSSO. Les statistiques obtenues par le dénombrement des itinérants par région montrent qu’il y 706 personnes en situation d’itinérance en Outaouais, mais M. St-Onge considèere que c’est plus que cela, puisqu’on ne peut pas tous les compter. M. St-Onge a fait une demande au gouvernement pour recevoir la somme de 3.4 millions pour placer 40 hébergements de transition dans la région. La situation en Outaouais empire plus vite que dans d’autres régions du Québec. La mairesse de Gatineau, France Bélisle, commentait récemment que l’augmentation de l’itinérance est causée par la crise du logement. Étant donné la hausse des loyers, les Ontariens traversent la rivière pour s’installer à Gatineau.

Lionel Carmant, ministre des Services sociaux, a annoncé au mois de septembre 2023 un financement de 15.5 millions de dollars pour construire des refuges au Québec. Le Parti québécois estime que cette somme d’argent n’est pas assez et François Legault reconnait que les ressources données n’étaient pas suffisantes. 9.7 millions de dollars du montant donné ira à la ville de Montréal; cela financera 188 lits dans les centres d’hébergement pour la saison hivernale.

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